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Vers une Eglise sans peuple? Serge Bonnet et le catholicisme populaire

Parution de l'ouvrage de Yann Raison Du Cleuziu Vers une Eglise sans peuple? Serge Bonnet et le catholicisme populaire

Publiée le

Vers une Eglise sans peuple? Serge Bonnet et le catholicisme populaire

Présentation de l'éditeur :

Durant les années 1960 et 1970, les dévotions populaires étaient considérées par une partie du clergé comme une forme de paganisme dont il fallait affranchir les catholiques. Les statues de saints sont congédiés des nefs, la communion solennelle supprimée et le soupçon jeté sur le baptême des jeunes enfants. Le dominicain Serge Bonnet, à la fois prédicateur de talent et chercheur au CNRS, fut alors un des seuls à défendre la qualité spirituelle de ces pratiques contre ce qu'il estime être un ostracisme de classe.
Fils d’une famille de l’Argonne meurtrie par la guerre, il rêve d’un engagement total pour la transformation chrétienne de la société. Entré dans l’Ordre dominicain, il souhaite devenir prêtre-ouvrier pour partager la vie et les combats des ouvriers du fer de Lorraine. C’est par des enquêtes sociologiques qu’il va chercher à comprendre le prolétariat et qu’il observe que parmi les immigrés polonais et italiens, la foi est déjà présente, mais qu’elle est méprisée par le clergé qui la juge arriérée.  Bonnet découvre que la déchristianisation dépend aussi de l’arrogance d’un clergé qui aspire à un christianisme modernisé et discrimine les dévotions populaires. C’est donc dans l’Eglise même que Serge Bonnet va engager le combat pour le respect des pratiquants « irréguliers » et autres « catholiques festifs ». Il prend tout particulièrement la défense des ouvriers immigrés et défend la nécessité de leur accorder la place qu'ils méritent tout autant au sein de l'Eglise que du Parti communiste.

Entré au CNRS au Groupe de Sociologie des Religions, cet inlassable compilateur d’archives et sociologue de terrain, multiplie les recherches novatrices. De la géniale histoire de l’ermitage de Saint Rouin qui prolonge les recherches de Marc Bloch et Lucien Febvre, à ses études sur la prière, la fête ou sur la domination cléricale, Serge Bonnet emprunte des pistes originales et renouvelle les analyses. Ses recherches sur l'immigration, la culture ouvrière et le communisme populaire ouvrent un chemin pour de jeunes chercheurs comme Gérard Noiriel et Dominique Schnapper.

Très proche de Raymond Aron et de Philippe Ariès, admiré par Maurice Clavel, il sera une figure médiatique de l’Église catholique durant les années 1970-1980. En 1973 son pamphlet contre le cléricalisme ouvre une controverse retentissante à la fois religieuse et savante autour de la "religion populaire".

Au sein même de l’Ordre dominicain, Serge Bonnet entre en conflit avec les théologiens qui défendent l’avortement et entraine son couvent dans une dissidence durable. Renvoyant dos à dos les traditionalistes et les progressistes, il défendra un christianisme incarné et la nécessaire liberté de conscience et de dévotion des catholiques. Il accueillera l’élection de Jean-Paul II avec soulagement et prendra sa défense face aux théologiens et évêques qui le jugent rétrograde. Aux côtés de Rémy Montagne, il aide à la création d’une presse catholique plus proche d’une base catholique en souffrance face à l’avant-garde du clergé. Son expertise est recherchée et le conduit aux portes du pouvoir. Ami de François Guillaume, agriculteur lorrain qui devient président de la FNSEA, il devient son conseiller lorsqu’il est nommé par Jacques Chirac au ministère de l’agriculture.

A travers les engagements de Serge Bonnet, Yann Raison du Cleuziou nous plonge dans les grandes querelles qui ont divisé les catholiques depuis l’Après-guerre face au défi de la modernisation de l’Eglise.